Le démon existe-t-il vraiment ? Si l’on en croit des théologiens « de renom », et même certains exorcistes, il faudrait répondre par la négative. D’autres théologiens, tout en croyant à l’existence du démon, prétendent qu’il n’est pas l’objet d’un dogme. Erreur ! La confusion chez ces derniers théologiens vient du fait qu’ils ignorent que, dans la doctrine intégrale de l’Église, il n’y a pas seulement des vérités de foi catholique, qui sont définies solennellement par le Magistère, mais qu’il y a aussi des vérités de foi divine, clairement indiquées dans l’Écriture Sainte.
Ce pourrait être le cas de l’existence du démon, dont il est question notamment dans le texte suivant tiré de l’Évangile de saint Matthieu, où est évoqué le jugement dernier : « Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges » (25. 41). Mais il faut bien remarquer que le Magistère officiel a aussi défini que « le diable et les autres démons ont été créés par Dieu naturellement bons, mais se sont par eux-mêmes rendus mauvais », selon le IVème concile de Latran (Denz 428). On peut donc dire que cette définition dogmatique affirme clairement l’existence du démon.
Le Pape Paul VI a rappelé fermement l’existence du démon et de ses méfaits, dans une allocution complète sur le sujet, qu’il prononça le 15 novembre 1972 : « L’un des plus grands besoins (de l’Église), disait-il, est de se défendre contre ce mal que nous appelons le démon. (…) Nous trouvons le péché, perversion de la liberté humaine et cause profonde de la mort, parce que détaché de Dieu, source de la vie ; le péché, occasion et effet de l’intervention en nous et dans notre monde d’un agent obscur et ennemi, le démon. Le mal n’est plus seulement une déficience, il est le fait d’un être vivant, spirituel, perverti et pervertisseur. Terrible, mystérieuse réalité. (…) »
« Le démon, continuait le Pape, menace insidieusement l’équilibre moral de l’homme. Il est le séducteur perfide et rusé qui sait s’insinuer en nous par les sens, l’imagination, la concupiscence, la logique utopique, les contacts sociaux désordonnés, pour introduire dans nos actes des déviations aussi nocives qu’apparemment conformes à nos structures physiques et psychiques, ou à nos aspirations instinctives et profondes ».
« A propos du démon et de l’influence qu’il peut exercer sur les individus, sur les communautés, sur des sociétés entières ou sur les événements, il faudrait réétudier un chapitre très important de la doctrine catholique auquel on s’intéresse peu aujourd’hui. Certains pensent pouvoir trouver une compensation suffisante dans l’étude de la psychanalyse et de la psychiatrie, dans des expériences de spiritisme qui aujourd’hui, malheureusement, se répandent tant dans certains pays. On a peur de retomber dans de vieilles théories manichéennes ou dans de funestes divagations, fantaisies et superstitions ».
« Aujourd’hui, on préfère afficher un esprit fort, sans préjugés, positiviste, quitte ensuite à attacher foi gratuitement à tant de lubies magiques ou populaires ou, pire encore, à livrer son âme – son âme de baptisé qui tant de fois a reçu la visite de la présence eucharistique et qui est habitée par l’Esprit Saint – à des expériences sensuelles licencieuses, aux expériences délétères des stupéfiants ou aux séductions idéologiques des erreurs à la mode. Ce sont là autant de fissures par lesquelles le Malin peut facilement s’insinuer pour altérer l’esprit de l’homme ».
Le Pape Paul VI manifestait aussi l’une de ses déceptions, le 29 juin de la même année, en ces termes : « Nous aurions cru que le lendemain du Concile serait un jour ensoleillé pour l’Église. Or, nous avons trouvé de nouvelles tempêtes ; on cherche à creuser de nouveaux abîmes au lieu de combler ceux qui existent. Que s’est-il passé ? »
Après le constat de l’échec partiel de l' »aggiornamento », le Pape, pour la première fois semble-t-il, dénonçait le principal responsable de la situation, qui est servi évidemment par une foule de complices : « Nous vous confions notre pensée : il s’est agi d’une puissance adverse, le démon, cet être mystérieux, ennemi de tous les hommes. Cet être surnaturel est venu gâter et dessécher les fruits du Concile et empêcher que l’Église éclate en hymnes de joie. (…) Par une fissure est entrée dans le Temple de Dieu la fumée de Satan : le doute, l’incertitude, la problématique, l’inquiétude, l’insatisfaction, se sont fait jour ».
Ce qu’est le démon
Comme tous les autres anges, les démons ont été créés bons ; ils sont devenus mauvais par eux-mêmes, par leur propre dépravation. Les démons se complaisent toujours dans leur péché, mais ils ont horreur de la peine qu’ils subissent en châtiment de ce péché. Ils n’ont aucune vertu et tout ce qu’ils font est mal.
Parmi tous les êtres doués d’intelligence, les anges l’emportaient par leurs dons naturels et surnaturels. Le péché des anges rebelles a donc revêtu une plus grande gravité, car c’est avec plus de force que leur volonté libre, éclairée par une plus vive lumière, adhéra au mal. Tombés de plus haut, ils sont tombés plus bas. De plus, le démon ne peut, pour excuser son péché, invoquer aucune circonstance atténuante, comme on en trouve dans la chute de nos premiers parents.
En effet, le démon n’a pas péché sous l’impulsion d’un autre, et c’est pourquoi il est demeuré dans sa faute. Au contraire, l’homme qui a péché sous l’instigation du démon tentateur, qui est un être supérieur à lui, a obtenu les moyens de se repentir et de réparer sa faute, avec la grâce du Christ Rédempteur.
Le démon est tellement obstiné dans le mal, qu’il ne peut réellement accomplir aucun bien. Si parfois un de ses actes paraît bon en soi, il est toujours vicié par quelque circonstance mauvaise. En effet, quand le démon dit la vérité, par exemple, c’est pour mieux tromper ensuite. Quand il confessait sur terre la divinité du Christ, ce n’était pas pour lui rendre gloire et pour lui attirer des adorateurs, mais pour mieux le combattre. En conséquence, tous ses actes, d’une façon ou d’une autre, sont dirigés vers le mal.
Quelques théologiens croient que le démon n’est pas une personne, qu’il serait une non-personne (c’est le cas notamment de deux cardinaux, dont l’un est décédé et l’autre exerce une fonction importante dans l’Église). Au contraire, il faut soutenir que le démon est une personne ; cependant à cause de sa révolte contre Dieu, il est devenu comme la personnification du mal. Les personnes qui constituent l’espèce humaine sont différenciées par la matière et par leurs rapports quantitatifs ; par ailleurs les anges, bons et mauvais, qui sont aussi des personnes et dont chacun constitue une espèce unique, se diversifient par leurs rapports qualitatifs.
Devant la gravité de l’histoire du salut, il serait peu sérieux et peu théologique de considérer les démons comme des espèces de fantômes qui hanteraient le monde. Il faut plutôt soutenir qu’il s’agit de « ce monde », de l’ensemble des « principautés et puissances » opposées à Dieu, c’est-à-dire tout ce qui constitue dans le monde une incitation à des fautes nouvelles et une incarnation tangible du péché. Cela implique le caractère « personnel » des démons, que l’Écriture et le Magistère (Denz 2318) maintiennent fermement, car tout désordre essentiel dans le monde provient d’une action personnelle.
Père Galbert Kougoum